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La parole à Claire Tutenuit, présidente du Ruban Vert depuis 2016.

Le Ruban Vert organise cette année Chemins d’artistes, pourquoi ?

Pour donner à beaucoup de personnes l’envie de sortir se promener, redécouvrir la campagne et la forêt, renforcer le lien entre les habitants et la nature, leur nature; les œuvres créées à cette occasion par plus de 20 artistes la donnent à voir avec des yeux nouveaux: d’ordinaire utile, voire banale, elle devient source d’inspiration, de matériaux, de réflexion et d’émotions nouvelles. En changeant le regard, nous espérons que cette manifestation incitera les uns et les autres à sentir combien la nature est précieuse, vulnérable, intéressante, vivante…  et à avoir envie de la préserver et de la laisser évoluer en toute spontanéité. 

Vous venez d’être décorée pour votre engagement environnemental auprès d’acteurs économiques français. Avec le Ruban Vert, retrouvez-vous cette dynamique globale au niveau local ?

Oui, on retrouve les mêmes dynamiques: l’enthousiasme de quelques-uns, l’intelligence collective, l’appui sur la science. Au niveau local, il y a un vrai plus : on voit la nature, mares, arbres ou animaux, l’émerveillement est plus immédiat et plus fréquent! La vue de la précarité des crapauds, des insectes, des arbres attaqués par tel ou tel parasite donne davantage envie de les protéger. Rapporter ces émotions dans le travail avec de grandes structures apporte beaucoup de concret pour parler environnement!

Quels sont les freins et les leviers d’actions que vous voyez pour défendre la biodiversité et la nature dans le 89 ? 

Les freins sont surtout dans nos habitudes, qui sont toutes difficiles à changer; ils sont aussi dans la comparaison entre l’échelle de ce qu’on peut faire sur un territoire tel que le nôtre et ce qu’il faudrait faire partout. Le levier, ce sont toutes les initiatives des membres de l’association, leur volonté pour les faire aboutir. Quelle excitation collective quand on amène les crapauds en amplexus dans un étang après la traversée de la route, qu’on trouve des dames de 11h (ornithogales en ombelle pour les sérieux)  ou qu’on entend le rossignol dans les nuits de printemps ! Un autre levier est aussi la diversité des approches, celles des agriculteurs, elles-mêmes variées, celle des citadins locaux, celle des néo-ruraux assez nombreux dans l’Yonne, celle des Parisiens et des Franciliens tout proches, ou encore des écologistes; les chevreuils sont-ils une catastrophe pour la forêt, un gracieux décor, un gibier, une menace pour les potagers, ou tout à la fois?  Le choc de ces façons de voir est fécond. 

D’autres projets en perspective pour 2022-2025 ?

Oui bien sûr! Nous voulons développer et mettre en œuvre le concept des Perles de nature, qui consiste à donner une protection pérenne aux espaces riches de biodiversité de notre territoire, mares, haies, prairies et arbres remarquables en les rendant assez proches les uns des autres pour que les espèces qui les habitent puissent migrer de l’un à l’autre: un triton, par exemple, doit pouvoir trouver une mare tous les 300 mètres. Cela contribuera à cette continuité écologique nécessaire pour que des écosystèmes entiers, pas seulement des individus isolés,  migrent vers le nord-ouest, cela fait partie de leur adaptation au changement climatique. 

Merci à Etienne Boyer, un des artistes des Chemins d’artistes, pour cette création réalisée à l’occasion du 1er mai.